Le défi du climat pour la viticulture

Le defi du climat pour la viticulture

Catastrophes climatiques, sécheresse, inondations, tempêtes de neige, épisodes de gel… chaque année, des millions de personnes sont touchées par ce que l’on appelle le dérèglement ou changement climatique. 2020 fut même une des trois années les plus chaudes de l’histoire.

Depuis 1850, l’activité de l’homme a multiplié par 150 les gaz à effet de serre (GES) de notre atmosphère dont le rôle est de retenir une partie des rayons solaires et de l’énergie thermique de la Terre pour les (re)distribuer sous forme de radiations. Ces GES garantissent ainsi une température moyenne de 15°C indispensable à notre survie. Sans changement radical de nos habitudes, la température moyenne pourrait dès lors augmenter de 5°C d’ici la fin de ce siècle, entraînant un impact majeur sur notre quotidien, mais aussi sur la viticulture.

Selon les experts climatiques, une augmentation de 2°C réduirait les surfaces de vignes dans le monde de 20 à 75% selon les scénarios envisagés et selon les pays. Des pays comme l’Espagne, l’Italie, le Chili, l’Australie ou les Etats-Unis souffriront surtout de la réduction des réserves d’eau, plus de la moitié des vignobles sud-africains pourraient disparaître. Plus proche de nous, en France, la région du Rhône et Bordeaux seraient les plus touchées.

Adapter les pratiques

Parmi les conséquences directes du dérèglement, les stades de véraison (le moment où le grain de raisin change de couleur) et celui de la pleine maturité sont atteints plus vite qu’auparavant, et la date des vendanges est de plus en plus précoce. Jusqu’à 15 jours en Champagne ou en Aquitaine, voire 20 jours dans le sud de la France.

L’an dernier, les premiers raisins ont été ramassés en Bourgogne dès le 12 août, une date historique. L’augmentation des températures a en outre un effet direct sur le rendement des vignes et sur la composition des raisins, donnant des vins plus alcoolisés.

Pour dépasser la contrainte hydrique de la vigne, certains vignerons ont opté pour la plantation d’arbres dans leur vignoble ou pour l’installation d’ombrières. Au Domaine Gauby dans le Roussillon, par exemple, des oliviers et des amandiers ont été plantés en bordure des parcelles pour apporter, dans quelques années, de l’ombre sur les grappes.

L’objectif étant de baisser la luminosité de 30 à 50% pour protéger les vignes. Les maturités phénoliques arrivent plus rapidement, ce qui permet de modérer le degré d’alcool. Les vignes ombragées supportent en outre davantage plus facilement une sécheresse prolongée.

La culture de la vigne chez Gérard Gauby, qui vient de passer la main à son fils Lionel, s’inscrit dans un véritable écosystème global. Le vignoble n’occupe que le tiers de la propriété où l’on trouve aussi des prairies, des plantations de céréales, des forêts de chêne, de la garrigue mais aussi des poules, un cheval ou une vache.

Remplacer les cépages

Une des méthodes régulièrement évoquée pour contrer le dérèglement climatique serait de remplacer les cépages actuels par des variétés qui résistent mieux à la hausse des températures.

Des scientifiques de l’INRA (l’institut national de recherche agronomique français) ont comparé l’adaptabilité de 1100 cépages à des climats arides et secs. Ils ont ensuite sélectionné les onze variétés de cuve les plus populaires et établi un modèle mathématique « pouvant déterminer la floraison de ces variétés et la période où les baies sont mûres dans chaque région viticole du monde. Ce modèle leur a permis de prédire les évolutions des cépages en fonction de trois scénarii de réchauffement climatique, c’est-à-dire pas de réchauffement, +2°C et +4°C. Ils ont pu déterminer les régions ou chaque cépage se porterait le mieux, en fonction de cette hausse des températures. »

Ces chercheurs ont constaté que certaines variétés pourraient être échangées pour éviter la casse. « A titre d’exemple, constate l’étude, le Grenache et le Mourvèdre pourraient remplacer le Pinot noir et le Merlot. Ce qui reviendrait à dire que les cépages aujourd’hui utilisés dans le Pays d’Oc, seraient mieux adaptés dans la région de Bordeaux en cas de changement climatique. En Bourgogne, cela pourrait en être de même, avec un remplacement du Pinot noir par le Mourvèdre ou le Grenache. Et en Alsace, le Riesling pourrait laisser place au Trebbiano (ou Ugni blanc), mieux adapté également en cas d’augmentation des températures. »

 

Une possibilité qui trouve écho au Domaine Loew à Westhoffen où Etienne Loew confirme que s’il devait planter du Riesling, il ajouterait volontiers quelques pieds d’Ugni blanc, un cépage qu’il apprécie. Mais le changement viendra sans doute plutôt du côté des rouges.

« Le Pinot noir est le seul officiellement reconnu, explique Etienne, alors qu’il n’a jamais été le seul rouge planté en Alsace. Nous expérimentons plusieurs cépages rouges comme le Merlot, le Cabernet sauvignon, le Trousseau, le Poulsard ou le Sangiovese. Et même la Syrah depuis 25 ans. Nous faisons régulièrement des essais de micro-vinification, mais tout est mélangé avec le Pinot noir, et ce n’est pas à son désavantage. En 2022, nous plantons une nouvelle parcelle de Pinot noir, il y aura potentiellement un autre cépage… »

Certains pays vont en profiter

La succession d’épisodes de sécheresse ou de gel met à mal le vignoble français dans son ensemble. Cette année, nombreux sont ceux qui ont perdu entre 30 à 50% de leur récolte 2021. Paradoxalement, dans un pays comme la Belgique, les vignobles n’ont pas été trop impactés, car la maturité est plus lente mais aussi par l’usage de cépages interspécifiques résistants. 

Les contrées septentrionales (tout ce qui est au-dessus de la Loire) ont gagné un degré de température sur les 30 dernières années. En Belgique, l’Institut royal météorologique (IRM) a observé que la température annuelle moyenne avait augmenté chez nous de 1,9 °C depuis 1890, avec une nette accélération depuis 1954. À Uccle, le réchauffement annuel moyen est même de 2,1 °C.

Nous ne sommes pas encore près de planter du Mourvèdre en Belgique, mais ce bouleversement climatique tend à nous faire croire que les vignobles du nord de l’Europe vont gagner en qualité avec une (encore) plus large implantation de cépages précoces tels que le Pinot noir, le Chasselas ou le Chardonnay. Mais le consommateur sera-t-il prêt à consommer du Pinot noir provenant d’une région non propice à la culture du vin, comme par exemple la Bretagne, la Norvège ou la Suède ?

Le réchauffement est global (tout comme la concentration en C02), mais la luminosité, la pluviométrie, les fréquences d’événements ponctuels importants sont très différents et beaucoup plus régionaux.

L’avenir des régions viticoles dépend essentiellement de décisions humaines, ne l’oublions pas. L’accord de Paris signé en 2015 lors de la COP21 est le premier accord universel à avoir été adopté et à fixer la limite de 2°C d’augmentation de la température moyenne (à ramener idéalement à 1,3 ou 1.5°C).

Reportée l’an dernier pour cause de pandémie, la COP26 devrait se tenir en novembre 2021, il sera intéressant d’examiner les propositions des uns et des autres pour arriver progressivement à la neutralité carbone avant que les impacts sur les écosystèmes soient irréversibles. Cela passera aussi par l’allégement des emballages et des bouteilles, la rationalisation du transport, l’utilisation des énergies (biomasse) ou la conception même des bâtiments.

A la Cave des Oblats, nous sommes soucieux des impacts climatiques et nous suivons de près l’évolution de nos vignerons au travers de leurs bonnes pratiques. De notre côté, nous mettons tout en place pour limiter cet impact.