Ni blanc ni rouge, mais rosé !

vin rose ete

Facile et agréable à déguster, généralement non boisé et avec un degré d’alcool modéré, le rosé représente 15% de la consommation mondiale de vin, et la tendance n’est pas près de s’arrêter.

Le rosé est probablement le plus ancien vin de l’histoire et même si certains persistent à lui refuser un statut de vin à part entière, sa consommation a augmenté de 40% entre 2002 et 2018, surtout auprès de la génération Y qui en a fait son emblème festif.

Plus qu’un effet de mode, le rosé s’est adapté au fil du temps au goût du public. Léger, il accompagne volontiers les repas moins structurés ; frais, il agrémente les cuisines du monde sans trop poser de questions ; festif, on le retrouve dans tous les pique-niques, à la plage ou au bord des piscines, avec ou sans glaçons. Loin des codes traditionnels du vin, il incarne un certain esprit de liberté qui plaît à un public plutôt jeune, mais pas uniquement.

Côté production, si la France demeure le premier producteur mondial de rosé avec plus de 7,8 millions d’hectolitres (34%), l’Espagne (23%), les Etats-Unis (17%) et l’Italie (10% – en recul) ne sont pas en reste.
L’Europe réalise plus de 80% des importations de vins rosés, les Français achetant presque le tiers de la production mondiale, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne. Hors Europe, les gros importateurs sont essentiellement la Russie (peut-être plus maintenant) et le Canada.

Le rosé n’est pas un mélange

Contrairement à certaines idées reçues, le rosé est tout sauf un mélange de blanc et de rouge, la législation l’interdit d’ailleurs, sauf pour le champagne rosé. Il est réalisé à partir de raisins noirs à jus blanc selon deux techniques : en saignée ou en pressurage direct.

Dans le premier cas, on remplit une cuve de raisins noirs destinés à être vinifiés en rouge. Après quelques heures de macération, on « saigne » la cuve en laissant écouler une partie du jus qui a déjà pris une teinte rosée, jus qu’on va ensuite vinifier à part.

La difficulté est de ne pas laisser les peaux trop longtemps en contact pour ne pas basculer vers des vins rouges. Les rosés ainsi obtenus ont une bouche plus ronde et une légère structure tannique que l’on trouve moins dans les rosés dits de pressurage direct.

La seconde technique consiste à presser des grappes entières ou éraflées (avec ou sans macération avec les peaux), et d’en récolter directement le jus pour le mettre en cuve où débutera sa fermentation. La technique s’apparente à la vinification d’un vin blanc. Ces vins seront en général plus acidulés que les rosés de saignée plus vineux et corsés, et auront une expression aromatique plus marquée.

Fondé en 2016 par Olivier Faucon dans l’aire d’appellation des Terrasses du Larzac (réservée aux rouges) à 30km de Montpellier, le Mas Combarèla a fait le choix d’une viticulture bio à petits rendements et de vinifications en quête de finesse et d’harmonie. Normal, il a fait ses classes au Domaine AF Gros (Pommard) et chez Vincent Goumard (Mas Cal Demoura en Terrasses du Larzac).

Certifié bio depuis 2019, son vignoble s’étend sur 11 hectares et couvre différents terroirs composés d’argilo-calcaire, de ruffes et de galets qui donnent des vins soyeux et délicats, déjà très reconnus par la critique et les gastronomes.

Issu de Grenache et Mourvèdre avec un soupçon de Cinsault, le rosé représente environ 10% des 35.000 bouteilles produites chaque année en moyenne au Mas Combarèla.

« Je travaille mon rosé comme un blanc, explique Olivier Faucon, le principe est celui d’un rosé de presse. On récolte tôt le matin, entre 6 et 10h, quand il fait frais, tout est vendangé en manuel, et on fait tourner le pressoir sur un cycle partiel. Soit moins d’une heure, au lieu de 1h30 habituellement. Plus le pressoir avance, plus le jus extrait va être coloré et avoir plus de tanins, plus de concentration. A la fin, je conserve ce qui est le plus coloré pour l’intégrer à un rouge plus fruité.

Le rosé reste clair, tout en finesse et non en puissance, en gardant une belle densité. Les bourbes et autres matières indésirables retombées après 24 ou 48h, sont retirées, ensuite commence une fermentation entre 15 et 17°C, comme pour un blanc. Je ne veux pas faire un rosé uniquement d’apéro ou de barbecue, mais un rosé d’accompagnement culinaire.

 

terrasse du larzac mas combarela

Avant d’être vigneron, j’ai eu une autre vie en Asie notamment et cela m’a donné le goût des cuisines exotiques, épicées. J’ai donc eu envie de faire des rosés qui peuvent se boire sur deux ou trois ans et surtout accompagner des plats parfois difficiles à marier : des currys thaï ou des plats coréens, mais aussi des poissons crus, sushi, sashimi au Japon ou des ceviche en Europe. Sans oublier, plus classiquement, les gambas, les grandes crevettes, le saumon fumé ou en carpaccio, et bien entendu la cuisine méditerranéenne. Le champ est aussi large que l’imagination. »

Pour la gastronomie aussi

bandol chateau de pibarnon nuance rose
Avec plus de 52 hectares culminant à 300 m d’altitude et certifiés bio depuis 2019, le vignoble du Château de Pibarnon domine la Méditerranée, à quelques kilomètres de Bandol. Le Château produit deux rosés très différents, le rosé classique du Château de Pibarnon, tout en fraîcheur, et « Nuances », taillé pour la garde. « Nous considérons ici que le rosé est un vrai vin, commente Eric de Saint-Victor, fils du fondateur, nous le travaillons depuis 40 ans. Pour nous, un rosé doit être savoureux, gastronomique et souvent puissant, car il doit être servi sur des plats méditerranéens. Le rosé classique est élaboré avec deux tiers de Mourvèdre et un tiers de Cinsault. On a des petits rendements, de 27 à 30hl/ha, ce qui est relativement peu pour un rosé. Nos vignes étant cultivées en biologique, elles sont préservées des excès et ont des maturations relativement lentes. Lors de la vendange, les raisins doivent être parfaitement sains et mûrs.

Comme nous n’avons pas de Grenache, cela donne un rosé à 13,5 ou 14° vol. alc., qui atteint une maturité générale tout en ayant une belle acidité, de la salinité, etc., qui lui donnent une certaine fraîcheur et un impact en bouche, avec de la chair et du volume.

Une fois le raisin récolté, il y a une pressée directe, à froid si possible. Comme nous avons de la maturité, nous ne cherchons pas de macération pelliculaire. Le jus exprime tout de suite la maturité des deux cépages. Ensuite, une fermentation classique en cuve à 20 ou 21°. Une fois terminés, le vin reste en cuve pendant six mois avant d’être mis en bouteille. Comme nous sommes à quelques kilomètres de la mer, nous avons besoin d’une belle pureté, et que le vin soit lisible, franc et direct, avec une bel éclat de fruit, des épices, et même de la réglisse qui vient avec le temps. Pas besoin de le construire par le bois. »

Le Rosé Nuances est un peu différent. Il s’agit ici d’un rosé d’une nuit durant laquelle le vin infuse avec les peaux. « Les jus, poursuit M. de Saint-Victor, sont ensuite répartis dans deux contenants différents pour la vinification et pour l’élevage. Une partie va être élevée dans un foudre Stockinger neutre, de 30hl, et l’autre dans des jarres de grès, plutôt de la céramique cuite à plus haute température. Ce sont des terres très blanches, neutres en termes de goût et d’influence sur le vin. Ces jarres ont une porosité naturelle donnée par la cuisson.

Dans le foudre, le vin acquiert plus de rondeur et dans les jarres il va conserver sa vibration. À la fin de l’élevage, vers le mois de juin, on assemble les deux vins, on les met en bouteille et on les élève en cave pendant un an et demi à deux ans au moment où il monte dans sa complexité.» Sa production est faible, c’est un rosé d’exception qui sera carafé avant service.